Séminaire : « Interprétations de la clinique analytique »
Séance du 27 janvier 2024 à Lausanne
Avec Rémy Amouroux, Daisy de Avila Seidl, Olga Sidiropoulos, Marc-Antoine Antille et Renato Seidl
MARIE BONAPARTE
Marie Bonaparte est née le 2 juillet 1882 à Saint-Cloud et morte le 21 septembre 1962 à Gassin, en France. Arrière-petite-fille de Lucien Bonaparte et épouse du prince Georges de Grèce, c’est une femme de lettres, une mécène et une psychanalyste disciple de Sigmund Freud, dont elle a contribué à diffuser le travail en France et en Grèce. Marie Bonaparte devient orpheline de mère peu de temps après sa naissance. Élevée par son père, Roland Bonaparte, l’enfant grandit au milieu d’adultes plus intéressés par la fortune qu’elle a héritée de sa mère, Marie-Félix Blanc, que par son intelligence précoce. Elle reçoit, par ailleurs, une éducation lacunaire, afin que son esprit n’effraie pas d’éventuels prétendants.
Désireuse de devenir médecin, elle est pourtant poussée au mariage par son père, qui réalise son rêve en l’unissant à Georges de Grèce, un prince apparenté à la plupart des dynasties européennes. Elle doit affronter l’homosexualité de son époux, qui vit une relation amoureuse avec son oncle, le prince Valdemar de Danemark. En dépit de la naissance de deux enfants, nommés Pierre et Eugénie, et d’une réelle affection pour Georges, la princesse se réfugie alors dans une succession de liaisons avec des personnalités comme Aristide Briand, Jean Troisier ou Rudolph Loewenstein. Libérée de ses séjours en Grèce par la Première Guerre mondiale, Marie fait de Saint-Cloud sa résidence principale.
Très affectée par le décès de son père en 1924, la princesse traverse une crise intérieure qui la pousse vers la psychanalyse, alors peu connue en France. Longtemps proche du médecin et sociologue Gustave Le Bon puis du psychanalyste René Laforgue, Marie trouve en Sigmund Freud un nouveau père de substitution. La rencontre se déroule à Vienne, en 1925, et elle donne lieu à une analyse féconde, durant laquelle la princesse prend conscience de l’origine de ses troubles sexuels. Prolongée jusqu’en 1929, cette analyse ne guérit cependant pas Marie de son sentiment de frigidité. Elle se tourne alors vers la chirurgie et subit trois opérations vaginales auprès du Dr Josef von Halban, sans succès. Revenue à Paris, la princesse se consacre au développement de la psychanalyse en France. Grâce à sa fortune, elle contribue ainsi à la fondation de la Société psychanalytique de Paris et de la Revue française de psychanalyse, en 1926. Elle diffuse également la pensée de Freud en traduisant plusieurs de ses ouvrages entre 1927 et 1940, ce qui n’est pas sans causer scandale. Surtout, elle écrit ses propres textes, dont une psychobiographie d’Edgar Allan Poe, qui rencontre un large succès (1933).
La montée du nazisme et l’annexion de l’Autriche par le Troisième Reich en 1938 choquent fortement Marie, qui revient à Vienne pour sauver Freud et sa famille. La princesse s’acquitte alors de la rançon que les nazis exigent pour laisser ses amis rejoindre le Royaume-Uni et sauve, par la même occasion, environ deux cents intellectuels menacés par le régime hitlérien. Deux ans plus tard, Marie assiste à l’invasion et à l’occupation de la France par les forces allemandes. Avec son époux, elle rejoint alors la Grèce, où la monarchie a été restaurée en 1935 après un long intermède républicain. Ce séjour est cependant de courte durée car la Grèce est à son tour envahie l’année suivante. C’est donc en exil en Afrique du Sud que la princesse et sa famille passent l’essentiel de la Seconde Guerre mondiale.
Revenue en Europe à la Libération, Marie s’engage dans les grands débats qui divisent les milieux psychanalytiques français. Représentante de l’analyse profane, elle pratique depuis 1928. Marie entre en conflit avec Jacques Lacan, qu’elle méprise pour ses idées et sa pratique des séances courtes. En parallèle, la princesse continue à écrire et publie, en 1951, sa seconde œuvre majeure, De la sexualité de la femme, qui soulève de nombreuses controverses. Après la disparition de son époux en 1957, Marie se lance dans un combat contre la peine de mort. Victime d’une leucémie aigüe, la princesse meurt près de sa résidence de Saint-Tropez en 1962.
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